Que sait-on réellement des difficultés de ces enfants et de ce qu’il convient de faire ?
Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale m’a demandé de créer un cycle de webinaire sur l’alimentation. J’ai organisé de nombreux webinaires dont les thématiques et contenus peuvent intéresser un large public.
A la fin de cet article, vous trouverez un lien pour visionner l’enregistrement du webiniaire.
Je me suis adressée à une sociologue, de l’université de Toulouse, Amandine Rochedy qui travaille sur les pratiques alimentaires des enfants et adolescents autistes ainsi que sur la manière dont les familles s’adaptent. Grâce à elle, nous avons fait le point sur ce que l’on sait d’un point de vue scientifique.
J’ai aussi sollicité une assistante maternelle, Catherine Guillaud Saumur qui se forme depuis plus de 15 ans à l’accueil de ce type d’enfants. Elle s’est occupée de 6 d’entre eux durant leurs premières années. Elle nous donne de précieux conseils sur la manière d’aider ces enfants à gérer leur stress vis-à-vis de l’alimentation.
Dès les années 1940, les premières publications scientifiques apparaissent dont celles de Hans Asperger, psychiatre autrichien qui donnera son nom à une forme particulière d’autisme. Cependant, les études sur l’alimentation dans le spectre de l’autisme sont très peu nombreuses, seulement 1 à 2% parmi les publications sur ce trouble du comportement. Et encore, la majorité des études regardent l’alimentation au travers de son impact sur l’autisme et non pas sur ce que l’autisme induit comme comportements alimentaires spécifiques.
Cependant, s’il y a peu de travaux sur l’alimentation des enfants autistes cette question est omniprésente chez les familles et les soignants du fait du statut du repas et de la place de l’alimentation dans notre pays.
On trouve de nombreux sites Internet et blogs sur cette question de l’alimentation dans les troubles autistiques. Il existe aussi des livres et des documentaires qui abordent cette question. Par exemple dans « Monsieur Je-sais-tout » on voit un enfant aller au restaurant avec ses parents. Mais leur table habituelle près de la fenêtre n’est pas disponible. Cela crée un tel niveau d’anxiété chez l’enfant que ses parents doivent aller négocier avec les personnes déjà attablées pour permettre à l’enfant de manger tranquillement près de la fenêtre.
Dans les enquêtes d’A Rochedy, 79,2% des parents affirment que leur enfant a présenté des particularités alimentaires. Notamment, un comportement inhabituel chez les jeunes enfants, est décrit dans cette population, l’absence de manifestation, pleurs ou autres, pour réclamer un biberon. Comportements que C Guillaud Saumur a rencontré chez certains enfants autistes dont elle s’est occupée.
« Quand elle est née, elle pleurait comme les autres bébés à la naissance. Puis, au fur et à mesure qu’elle grandissait, elle ne pleurait jamais pour demander son biberon. On pouvait presque oublier qu’elle était avec nous. Et là, je comprends aujourd’hui pourquoi ».
Mère de Jade, 13 ans, syndrome d’Asperger ; enquête d'A Rochedy
Les particularités les plus souvent décrites par les parents sont :
La néophobie alimentaire est une étape normale de développement du petit humain. Entre 2 et 3 ans, les enfants ont tendance à refuser les aliments nouveaux ou préparer de façon différente. Cette particularité disparaît progressivement vers l’âge de 7 ans.
Ce cycle de néophobie est aussi présent en population autistique, mais comme le montre la figure, il peut prendre des formes différentes. La colonne de gauche montre des cas où ce cycle de néophobie des enfants autistes (courbe rouge) est très proche de celui des enfants normotypiques (courbe bleue) avec une intensité moindre (néophobie infratypique) ou au contraire plus importante (supratypique).
Environ 45% de la population d’enfants autistiques présentent une évolution très différente :
« Tout ce que l’on décrit en population autistique, on le retrouve en population générale, néanmoins, c’est plus intense, c’est plus long. Et en général, cette néophobie se combine avec d’autres particularités ».
A Rochedy
Le diagnostic des troubles autistique est fait tardivement. Comme nous le raconte Catherine Guillaud Saumur, c’est une accumulation de comportements différents qui doit alerter. Cependant la difficulté est que les comportements évoluent avec l’âge. Certains comportements pouvant relever du spectre autistique vont disparaître chez certains enfants, il s’agissait simplement de phases de développement décalées par rapport à ce qui est habituel.
« Ce sont souvent des bébés que l’on n’entend jamais qui restent dans leur coin, attendent passivement et n’ont pas de demandes. Ou bien à l’opposé, ce sont des enfants qui crient beaucoup. Parfois, plus grands, ils apprennent à parler de manière différente des enfants normotypiques ».
C Guillaud Saumur
Finalement, le plus important est de repérer les sources de stress chez les enfants. Il faut bien faire la différence entre les caprices et le stress très important qui existe chez ces enfants et peut provoquer des crises de panique. Les personnes étrangères, ou bien un autre enfant connu mais trop près peuvent générer des crises d’angoisses qu’il est difficile de juguler. Il faut faire preuve de patience et d’observation pour identifier les sources de stress et les prévenir.
« Il faut beaucoup verbaliser, expliquer ce qui va se passer pour que l’enfant ne soit pas surpris. Il faut aussi décoder le comportement des personnes présentes et notamment des autres enfants, car un enfant autiste ne peut le déduire seul. » Voici quelques conseils parmi beaucoup d’autres de C Guillaud Saumur.
Ce sont des enfants qui peuvent avoir des comportements particuliers dès le biberon. Par exemple, certains ne supportent pas d’être dans les bras. Il faut donc trouver des stratégies pour leur donner un biberon en étant le plus loin possible de l’enfant. La diversification peut être une étape difficile, notamment l’introduction des morceaux qui devient une source de stress important à cause des textures différentes. Le mélange des aliments, leur couleur, etc. peuvent être des sources de stress. Le placement à table peut aussi être complexe. Certains enfants ne supportent pas d’avoir d’autres enfants à côté d’eux. Il faut trouver des stratégies pour limiter le stress de ces enfants lors des repas car un enfant stressé ne peut pas manger.
Il faut avoir en tête que chaque enfant est différent et que les adultes doivent s’adapter. Et globalement, parmi les 6 enfants qu’elle a accueillis, un seul a été compliqué à nourrir.
C Guillaud Saumur
Retrouvez tous les trucs et astuces de Catherine Guillaud Saumur dans la vidéo du webinaire avec Amandine Rochedy dont voici le lien : https://youtu.be/UFTo_WyEZzw