Regagner la confiance des consommateurs en fait partie
Dès les années 1920, l’agriculture biologique est née de réflexions conjointes d’agronomes, médecins, agriculteurs, mais aussi de consommateurs. Par réaction aux débuts de l’agriculture intensive qui s’est imposée avec la révolution industrielle. L’objectif de ces réflexions était de privilégier le travail du sol, l’autonomie et le respect des équilibres naturels.
Nous connaissons tous l’agriculture biologique sans toujours savoir clairement ce qu’il y a derrière cette appellation.
Le bio est connu pour l’absence de pesticides de synthèses utilisés pour ses cultures. Mais comme le montre l’infographie ci-dessus, c’est aussi une absence d’utilisation d’OGM en culture, ainsi que dans l’alimentation des animaux. Seuls les additifs d’origine agricole ou naturelle sont autorisés, les arômes ajoutés sont forcément naturels, les conditions de vie des animaux contrôlées, etc.
Avec 11% de sa surface agricole en bio, la France était le 1er producteur européen en 2022. De plus, les producteurs de bio sont des employeurs importants dans les territoires ruraux. En effet, produire en agriculture biologique demande 30% de main d’œuvre en plus.
L’importance des productions agricoles biologiques en France permet de créer de plus en plus de filières 100% françaises. Ainsi, 83% des produits bio consommés sur notre territoire sont d’origine française. Par conséquent, les importations sont en baisse depuis 3 ans, elles représentaient :
Comme le montre le schéma, après une forte progression entre 2015 et 2020, les ventes de produits biologiques se sont tassées en 2021 pour reculer en 2022. La part de marché est passée de 6,6% en 2021 à 6,1% en 2022. Bien sûr, il y a l’inflation qui a été très importante en 2022 et les Français ont moins consommés d’une manière générale. Cependant proportionnellement, les produits bio ont moins augmenté que les produits conventionnels. En effet, ces produits sont moins tributaires des hausses des prix des pesticides et engrais azotés liés aux coûts de l’énergie et du gaz naturel utilisés pour leur production. D’autre part, les produits bio subissent moins de fluctuations de prix que les marchés de produits conventionnels. Ce n’est donc pas la seule explication.
Avec le succès et la croissance des ventes de produits biologiques, la grande distribution s’est emparée de cette filière. Les grandes et moyennes surfaces représentent 50% du marché du bio. Ce qui a permis, d’une part de diminuer les prix, mais aussi de trouver plus facilement des produits bio. En effet, acheter du bio peut demander d’aller dans des circuits de vente spécialisés et de faire les autres achats dans les magasins habituels. Ainsi, trouver des produits bio en grandes surfaces permet de faire toutes ses courses au même endroit.
Cependant, pour trouver des grandes quantités de produits bio à des prix plus attractifs, la grande distribution a dû s’approvisionner à l’étranger, la production française n’étant pas suffisante et/ou trop chère. Or dans l’esprit des acheteurs de bio, ce sont forcément des produits issus de productions locales pour favoriser les circuits courts. De plus, selon eux, la production en bio doit servir à mieux rémunérer les producteurs. Mais les consommateurs ont pris conscience que c’était loin d’être le cas.
La crise du Covid a certainement été un accélérateur de cette prise de conscience. Aussi bien au niveau européen que français, le sujet de la souveraineté alimentaire s’est imposé dans le débat public. La guerre en Ukraine n’a fait que renforcer cet état de fait.
La prise de conscience que les produits bio pouvaient venir de pays étranger est devenu un problème dans l’esprit des consommateurs. Ainsi, toutes les enquêtes le mentionnent, les Français sont à la recherche de produits locaux à tout le moins français. Ainsi, même des consommateurs de bio convaincus préfèrent consommer du conventionnel local que du bio étranger.
La profusion de logos en alimentation perd les consommateurs et décrédibilise la démarche. Ils sont de moins en moins nombreux à faire attention à ce type d’étiquetage qui n’est pas toujours compris. Les consommateurs français regardent en premier l’origine des produits, puis leur naturalité (recette simple, pas d’additif, etc.).
Les bénéfices de bio dans cette profusion et confusion émergent de moins en moins et les consommateurs français perdent confiance dans cette appellation. D’ailleurs, les niveaux de connaissance des exigences de l’agriculture biologique déclinent avec le temps.
En 2022, à la question « Trouvez-vous normal qu’un produit biologique puisse coûter plus cher qu’un produit non biologique ? » :
En outre, 64% étaient plutôt d’accord pour dire que « le bio c’est surtout pour justifier des prix plus élevés ». Et 61% pensaient que « le bio c’est surtout du marketing » …
L’agriculture biologique pourrait mieux résister aux changements climatiques que l’agriculture conventionnelle. Plusieurs facteurs expliquent cette plus forte résilience :
Les bénéfices écologiques et sanitaires de l’agriculture biologiques sont nombreux et prouvés. Et il est essentiel de continuer à développer des mesures de soutien et d’accompagnement du secteur. Ce d’autant que cette agriculture est une tête de pont de l’agroécologie. Le bio a montré que l’on peut produire différemment avec des bénéfices importants pour nous et notre planète. Cependant, le modèle économique du bio n’est pas encore solide. Il faut réfléchir avec tous les acteurs aux moyens de renforcer ce modèle économique en rendant les produits plus accessibles tout en garantissant une rémunération décente des producteurs.
La démocratisation du bio s’est accompagnée d’une perte de confiance vis-à-vis du label AB et d’une dépréciation de l’image du bio. Les attentes sociales et sociétales évoluent et le bio n‘y répond plus totalement. C’est cette confiance qu’il faut absolument reconstruire pour stopper la diminution des ventes et assurer des débouchés aux producteurs, transformateurs et distributeurs qui se sont convertis au bio. Il faut aussi donner envie aux futurs agriculteurs de s’installer en bio pour que transmission rime aussi avec transition écologique.
Après des années d’efforts pour développer l’offre, il faut maintenant soutenir la demande. En effet, il faut réussir à toucher tous les consommateurs intéressés par cette manière de produire, y compris ceux qui ont des moyens financiers faibles.
Sources :