L’éducation au goût, une clef vers une alimentation plus saine et durable
L'institut du goût, un pionnier
Dès 1974, le scientifique Jacques Puisais était persuadé que l’éducation au goût est une clef puissante vers une alimentation plus saine. Il lance les classes du goût avec une approche pédagogique singulière qui repose sur l’individu qui mange et non pas sur le contenu de son assiette.
L’Institut du goût, dirigé par Nathalie Politzer, continue et développe cette approche tout en apportant les preuves de son efficacité. Notamment, dans le cadre des classes du goût dispensées en écoles primaires. L’enjeu est de former les enfants, mais aussi les instituteurs. En effet, ce type d’enseignement est radicalement différent de leurs pratiques éducatives habituelles. Les instituteurs doivent faire fi de leurs a priori.
L’enseignant n’est pas là pour délivrer un savoir, mais éveiller la curiosité des enfants. Ce qui n’est pas habituel pour eux. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, mais des sensations à partager et pour cela un vocabulaire à acquérir. L’enrichissement du vocabulaire des enfants, constaté par les enseignants, est un des bénéfices de cette initiation.
Les classes du goût en partenariat avec les instituteurs
Pour les enseignants, c’est une autre dynamique qui s’installe, une nouvelle façon de connaître les enfants, un climat différent s’installe dans la classe où tous les élèves s’expriment, même ceux, plus timides ou ayant moins confiance en eux, qui se manifestent peu habituellement. Et pour les enfants ?C’est toujours un succès auprès d’eux, car on leur apprend comment analyser leurs cinq sens, comment déguster des aliments dans l’expérimentation et le plaisir. Ils découvrent les rôles différents et complémentaires du toucher, de la vue, du goût, de l’odorat, mais aussi de l’ouïe que l’on oublie souvent. L’objectif est de donner des clefs aux enfants et de les aider à se les approprier pour qu’ils deviennent des mangeurs avertis.
Pour cela, il faut écouter chaque individu, car nous sommes tous singuliers. La génétique nous équipe différemment en capteurs sensoriels dont le nombre peut varier très fortement d’un individu à un autre. Ainsi, certaines personnes seront très sensibles à l’amer et d’autres à l’acidité, etc. Cela apprend la différence aux enfants sans que l’un soit supérieur aux autres. Cependant, d’autres aspects interviennent dans le développement du goût d’un individu.
Le rôle de la culture dans le développement de nos goûts et dégoûts
La culture est un autre déterminant du goût très important. Ainsi, dans certaines cultures, des catégories d’aliments sont valorisées et pas dans d’autres. Dans ce cas, ces aliments peuvent paraître peu attrayants, voire dégoutants.
Par exemple, les insectes sont rebutants pour nous, alors qu’il s’agit d’un mets de choix dans des sociétés asiatiques, africains ou amazoniennes. De la même manière, les escargots ou les fromages affinés au goût plus prononcé font partie de la gastronomie française alors qu’ils sont « immangeables » pour certains étrangers.
D’un point de vue culturel, la famille joue aussi un rôle primordial. Les aliments qui y sont consommés régulièrement, la manière de les cuisiner en ajoutant du piment par exemple, va construire le répertoire alimentaire de l’enfant. Ce répertoire alimentaire acquis durant l’enfance sera le socle de celui de l’adulte plus tard. Il définit la diversité des aliments consommés régulièrement, les goûts et dégoûts. Mais heureusement, ce répertoire évolue tout au long de notre vie. Il n’est jamais trop tard pour tenter de nouvelles expériences alimentaires.
L’Institut du goût vient de produire quatre vidéos qui montrent comment les enfants prennent conscience de leurs perceptions sensorielles. Elles illustrent aussi les différences interindividuelles importantes qui existent. Les enfants apprennent comment se forme leur goût, et par là, leurs préférences et aversions. Tout en prenant conscience que certaines aversions sont culturelles. Par exemple, dans la 4e vidéo, on voit les enfants reculer à l’idée de goûter des vers de farine vus en photos. Après des explications et une discussion sur ce qui est « mangeable » culturellement et ce qui ne l’est pas, Nathalie Politzer leur apprend que la consommation de ces insectes est valorisée dans certaines cultures. Et l’on observe les enfants les plus aventureux se lancer pour goûter les vers de farine du bout des lèvres et trouver cela bon. Ce qui incite les plus prudents à goûter à leur tour comme nous l’explique leur instituteur.
Le rôle primordial des familles dans l'éducation alimentaire
Un autre enjeu important est le relai dans les familles. C’est pour cette raison que les vidéos nous montrent des parents participants à certains de ces ateliers. Et l’on peut observer une maman très étonnée que son fils ait accepté de goûter les vers de farine alors qu’il est plutôt néophobe à la maison. La dynamique de groupe est un autre des intérêts de ces classes du goût. Le groupe va aider certains enfants à mettre des mots sur leur sensation, oser s’exprimer et goûter. Ce qu’ils n’auraient peut-être pas fait ou plus difficilement dans un autre contexte.
Les quatre vidéos produites par l’Institut du goût montrent étape par étape comment s’organise cette initiation au goût. Mais les cinq séances de ces classes du goût, si elles sont primordiales, ne sont pas suffisantes pour impulser des changements en profondeur et surtout dans la durée. Il faut que les enfants puissent continuer de pratiquer et s’exercer pour ancrer cet apprentissage. Car l’éducation au goût comme tous les apprentissages demande du temps et de la répétition. L’expérimentation est un puissant moteur de l’apprentissage qui fait appel à la curiosité des enfants. Et la famille est l’endroit idéal pour reproduire et affiner ses expériences. Il faut que les parents aient conscience du rôle important qu’ils ont à jouer dans l’éducation au goût de leurs enfants.
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