La sédentarité plus importante que l’alimentation ?
De plus en plus d’études scientifiques alertent sur l’effet délétère de la sédentarité sur notre santé et ce indépendamment de notre alimentation.
Faire la différence entre activité physique et activité sportive
On résume trop souvent l’activité physique à la pratique sportive. Mais l’activité physique est beaucoup plus vaste que cela ! Nous en faisons tous les jours au travail, dans les transports, durant les tâches domestiques et de loisirs :
ranger sa chambre,
faire le ménage,
jardiner,
prendre les escaliers,
jouer à la marelle,
porter les courses,
promener le chien, etc.
Comme on peut le constater les exemples sont infinis. Le sport, quant à lui est une forme particulière d’activité physique au cours de laquelle les participants adhèrent à un ensemble de règles avec un objectif défini.
Sédentarité et inactivité physique
L’inactivité physique et la sédentarité sont eux aussi confondus. Ainsi, l’inactivité physique est une notion assez technique qui évalue l’activité physique en fonction des recommandations qui sont :
30 minutes d’activité physique d’intensité modérée au moins 5 fois par semaine pour les adultes
60 minutes minimum par jour pour les enfants et les adolescents
Quand ces recommandations ne sont pas atteintes, on parle d’inactivité physique. La sédentarité, quant à elle représente le temps pendant lequel nous sommes assis ou couché en dehors des périodes de sommeil. Ainsi, quand nous regardons la télévision, travaillons ou jouons devant notre ordinateur, sommes passagers dans un véhicule, etc. nous sommes sédentaires.
Pour en savoir plus sur ces différentes notions, vous pouvez vous reporter à mon article du 5 décembre 2022 : « Notre héritage génétique nous condamne à l’activité » . Vous pouvez aussi aller sur le site de l’ONAPS. L’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité piloté par des scientifiques, rassemble et améliore les connaissances sur les niveaux d’activité physique et de sédentarité de la population française, les différents facteurs qui les déterminent, et les actions mises en œuvre pour promouvoir un mode de vie actif favorable à la santé. Vous y retrouverez beaucoup de données sur la population française, mais aussi des conseils pratiques.
La sédentarité a un fort impact sur notre santé
Finalement, il n’est pas si simple d’étudier l’impact de la sédentarité sur la santé. Comment étudier un non évènement ? Audrey Bergouignan, chercheuse au CNRS, à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien de Strasbourg a utilisé une méthode assez inhabituelle. Nous pouvons la qualifier de stade extrême de sédentarité. Avec l’équipe d’Adaptation physiologique à la gravité et santé, elle a utilisé le modèle de l’alitement prolongé. Des volontaires en bonne santé devaient rester totalement inactif pendant 24h et ce durant 7 jours, 1 mois ou 3 mois. Pour cela on leur a demandé de rester allongés sans possibilité de se lever.
Ce modèle d’étude a été développé par les Agences Spatiales Internationales pour étudier sur terre les effets de la très faible gravité sur le corps. L’objectif de ces études est d’aider à maintenir en bonne santé les astronautes pendant les vols spatiaux.
Des résultats étonnants !
Pendant toute la durée de l’étude, les volontaires recevaient une alimentation saine et équilibrée. Les kcals étaient ajustées aux besoins de chaque participant. Si le poids des volontaires n’a pas bougé, leurs paramètres sanguins étaient proches de ceux d’une personne obèse ou atteinte de diabète de type 2. Dans cette étude, la seule explication de cette évolution négative est la sédentarité puisque l’alimentation était totalement contrôlée et optimisée.
De plus, chez certains participants, on observait un vieillissement des artères et une diminution de la capacité à réaliser un simple exercice. Chez d’autres, une diminution de la masse osseuse et de sa résistance a été observée, de même qu’une diminution de la masse musculaire et de la force associée. Nous avons tous expérimenté la diminution de la masse musculaire d’une jambe, par exemple quand elle était immobilisée pour cause de fracture, opération, etc. C’est exactement le même phénomène ici qui explique les effets sur les muscles.
L’activité physique ou sportive ne compense pas totalement la sédentarité
Un second groupe de ces volontaires alités était soumis à un entraînement physique. Ils réalisaient un exercice aérobic à forte intensité de 35 minutes 3 à 5 fois par semaine. En plus, un exercice de résistance toujours de 35 minutes était pratiqué 3 fois par semaine. Cet entraînement est bien au-delà des recommandations de 30 min 5 fois par semaine chez l’adulte. Cet ensemble d’exercices permettait d’améliorer les paramètres sanguins et par conséquent d’atténuer certaines altérations du métabolisme dues à la sédentarité. Mais ils n'ont pas permisde les annuler totalement…
Ainsi, une activité physique même sportive et soutenue ne compense pas totalement les effets sur la santé d’une sédentarité élevée.
La sédentarité est un enjeu de santé publique sous-estimé
Comme les scientifiques nous le disent, il est difficile d’étudier les effets spécifiques de la sédentarité sur notre santé. L’étude que je viens de vous résumer est vraiment extrême et ne ressemble pas à ce qui se passe dans la vraie vie, à part celle des astronautes ! Dans la réalité quotidienne, il faut tenir compte de l’alimentation, de l’activité physique pratiquée en plus de la sédentarité, de notre état de santé, notre génétique etc.
De plus, d’autres données scientifiques suggèrent que de grandes plages de sédentarité seraient plus délétères pour notre santé que le même temps entrecoupé de pauses actives. Ainsi 4 heures d’affilées passées devant un ordinateur, par exemple, n’auraient pas le même impact sur notre santé que 2 heures de réunions suivis d’une pause à la machine à café pendant laquelle nous resterions debout avant de retourner nous assoir devant notre ordinateur. Il serait encore plus intéressant de faire une pause active de quelques minutes toutes les heures. En fait, il n’existe pas de recommandations claires, faute d’études permettant d’observer tous ces cas de figure dans le détail. D’une part, de telles études seraient très difficiles voire impossible à mettre en œuvre et d’autre part, elles ne répondraient pas à toutes les questions.
Qu'est-ce qui est le plus important ?
Personnellement, cette étude m’a beaucoup interpelée et je me pose cette question. Est-ce que nous ne nous focalisons pas trop sur l’alimentation en oubliant que notre sédentarité augmente ? Nos grands-parents avaient une alimentation plus riche que la nôtre, mais ils se dépensaient beaucoup plus aussi. Personnellement, je n’ai jamais vu d’étude comparant le profil métabolique de personnes ayant une alimentation riche en gras et en sucre mais ayant une activité physique élevée, avec celui de personnes ayant une alimentation équilibrée associée à une sédentarité élevée.
Certes, l’étude que je viens de vous résumer repose sur un modèle éloigné de la réalité, mais une alimentation saine et équilibrée n’y compense pas une extrême sédentarité… Aussi, quand nous travaillons 8 h par jours devant notre ordinateur en allant et revenant du travail en voiture, où nous plaçons nous par rapport à ce modèle ?
Sources :
Rudwill FS et al (2011) Physical inactivity as the culprit of metabolic inflexibility: Evidence from bed-rest studies. J Appl Physiol, 111(4): 1201-10.
Rudwill FS et al (2018) Metabolic inflexibility is an early marker of bed-rest induced glucose intolerance even when fat mass is stable. J Clin Endocrinol Metab,103(5):1910-20.
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