Les futures mamans laissées seules face à un enjeu important de santé publique
On a tous entendu parler des 1000 premiers jours, slogan porté par les campagnes de santé publique, sans toujours savoir de quoi il retourne. Cette période des 1000 premiers jours de l’enfant court de la grossesse jusqu’aux 2 ans de l’enfant. Le cerveau et le corps se développent à une vitesse extraordinaire : l’enfant interagit, explore et découvre le monde, même in utéro. Et les données scientifiques montrent que l’alimentation des femmes enceintes durant cette période est clef pour construire le capital santé de l’enfant, mais aussi de sa future vie d’adulte.
Ainsi, la grossesse représente un gros quart (27%) de cette période cruciale, qui devient plus d’un tiers (39%) si l’on ajoute un allaitement exclusif jusqu’à 4 mois. En effet, à partir de cet âge on peut commencer la diversification alimentaire. Le lait maternel et donc l’alimentation de la mère perd peu à peu de son importance dans l’alimentation de l’enfant. Or, les actions de préventions sont essentiellement tournées vers l’alimentation du tout-petit, la femme enceinte étant la grande oubliée.
Par conséquent, on comprend l’importance de l’alimentation des futures mamans durant la grossesse et l’allaitement. Il s’agit d’une période où les besoins sont accrus mais pas toujours satisfaits. Et cela au détriment à la fois du fœtus, mais aussi de la santé et du bien-être de la femme enceinte. La seule source de nutriments du bébé est l’alimentation de sa mère. Si les teneurs ne sont pas assez importantes, le corps de la future maman va puiser dans ses réserves pour satisfaire les besoins du fœtus. C’est pour cette raison que certaines femmes peuvent se retrouver avec des anémies sévères si l’apport en fer n’est pas assez important pour couvrir leurs besoins et ceux du bébé. Et il ne s’agit que d’un exemple parmi tant d’autres.
De nombreuses études ont montrés une forte relation entre les inégalités sociales et l’alimentation. En effet, plus les personnes sont aisées et éduquées, meilleure est leur alimentation. C’est-à-dire qu’elle est plus proche des recommandations de santé publique. Ainsi, une femme enceinte de catégorie socioprofessionnelle favorisée a plus de chance d’avoir une alimentation qui couvrent ses besoins et ceux de son bébé qu’une femme d’un milieu populaire ou défavorisé. Cela montre que les inégalités de santé commencent dès la vie fœtale.
Les recommandations issues de la santé publique représentent un idéal qui est difficile à atteindre pour les petits budgets. De plus, ces recommandations doivent être adaptées aux goûts et cultures des personnes, sans parler des besoins du reste de la famille. Or les scientifiques ont montré qu’il y a de multiples manières d’atteindre un équilibre nutritionnel. Mais cela demande un bagage de connaissances et une capacité d’adaptation que tout le monde ne possède pas.
Nous sommes ainsi dans une situation, où l’on culpabilise les futures mamans qui doivent garantir la santé future de leur enfant. L’alimentation d’une femme enceinte est en tension entre ce qui constitue le bien manger en France (plaisir alimentaire et convivialité) et plusieurs injonctions :
Durant leur grossesse, les femmes cherchent des informations fiables et positives sur l’alimentation pour les aider au quotidien. En effet, les interdits alimentaires sont nombreux pour éviter certaines infections graves pour le fœtus, comme de nombreux fromages au lait cru par exemple. Et les recommandations de santé publiques ont tendance à se concentrer sur ces interdits. A cela se rajoute les contraintes de temps et les difficultés de gérer une alimentation particulière quand, en plus, on doit gérer celle d’une famille.
Les recommandations de santé publique sont très générales, pas assez pratiques. Aussi les femmes enceintes se renseignent sur les réseaux sociaux et sites internet pour trouver des conseils pratiques qui pourraient les aider à faire évoluer leur alimentation. Les professionnels de santé qu’elles côtoient durant cette période n’ont pas le temps ou ne sont pas formés pour les aider.
Ainsi, les femmes enceintes souhaitent bénéficier de conseils alimentaires positifs, faciles à comprendre, adaptés à leurs contraintes de temps et de budget, et provenant d’une source crédible pour les accompagner sur l’alimentation durant leur grossesse.
Clélia Bianchi, diététicienne-nutritionniste, docteure en nutrition
C’est pour toutes ces raisons que Clélia Bianchi, docteure en nutrition et diététicienne a fondé l’association Alim’Mater et créé le programme « 9 mois à croquer ». Il s’agit d’un programme gratuit co-construit avec des professionnels de la maternité et de la nutrition au plus près des besoins des femmes enceintes. L’objectif est double, sensibiliser les futures mamans à l’alimentation saine mais aussi durable, tout en les accompagnant pas à pas. En effet, on sait bien maintenant qu’avoir des connaissances ne suffit pas à changer de comportement. Ce programme comprend :
Ali’Mater a aussi pour objectif de fédérer les professionnels de la nutrition et de la périnatalité autour des enjeux de l’alimentation des futures mères. Il est vrai que ces professionnels de santé évoluent chacun dans leur sphère de compétence et dialoguent rarement entre eux. Ce qui est pourtant indispensable pour aider et guider au mieux les femmes. A fortiori, celles qui sont en situation de précarité ou tout simplement plus loin de ces préoccupations. De plus, les échanges avec ces différents professionnels de santé sont autant d’opportunités pour sensibiliser les futures mamans et leur entourage. A la condition qu’ils soient formés aux spécificités de l'alimentation pendant cette période.
Ainsi, comme on peut le constater, se pencher sur l’alimentation des femmes enceintes a de multiples avantages. On le sait maintenant, l’alimentation de la future maman va avoir un impact important sur le capital santé du bébé jusque dans sa vie adulte. Mais la grossesse est aussi une période où les femmes font davantage attention à leur santé et sont plus enclines à modifier leurs habitudes pour adopter des comportements plus favorables à la santé qu’elles pourront conserver ensuite.
Il s’agit par conséquent d’une fenêtre d’opportunité pour aider ces femmes à changer de comportement. L’information ne suffit pas et les injonctions peuvent être contre-productives. Il est urgent de développer des méthodes d’accompagnement plus proches des besoins et attentes des femmes enceintes. Alim’Mater et son programme « 9 mois à croquer » sont une approche innovante et inclusive qui va dans le bon sens.
Un programme à faire connaître !
Sources :